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Une pureté qui salie la laïcité.

  • Photo du rédacteur: Marie Grand
    Marie Grand
  • 15 août 2018
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 17 nov.


Illustration : Victoria Frances
Illustration : Victoria Frances

Le retour d'une fête disparu : celle de la rosière dans l'Oise, qui récompensera la "pureté" des jeunes filles en juin 2019. Elle fait beaucoup de bruit par rapport à la notion de "pureté" qu'on demande aux jeunes filles (pas aux jeunes hommes), mais aussi par rapport aux critères demandés pour la valider : la piété, la modestie, la vertu et la virginité.

Ces quatre critères sont problématiques pour plusieurs raisons : La première raison étant que ce sont des critères de valeurs chrétiennes, sans doute tolérables dans le cadre d'un établissement privé, mais qui sont étalés dans un évènement public aux grands jours, comme si toutes les jeunes filles devaient s'y plier pour être de "bonnes citoyennes" dans un pays laïque. S'agissant d'un évènement touchant des adolescentes, même celles qui sont "hors-concours", pourraient être impactées moralement dans leur confiance en elle, parce que des adultes normalement garants de la sécurité morale des plus jeunes leur font comprendre qu'elles sont "impures" (on parle d'un âge où l'on se cherche et d'un évènement public, qui réclame des subventions de l'état ).

Je vais maintenant prendre les quatre critères pour détailler un à un les problèmes qu'ils posent.

- La piété : Bon déjà on commence bien ! Valider la pureté d'une personne selon le critère de la piété dans un pays laïque me semble assez difficile. Est-ce que les personnes avec des croyances différentes des "bons chrétiens" auront le droit à la même évaluation de piété ? Si parmi les participantes il y a une bouddhiste qui pratique bien ses méditations, une Wiccane qui fait bien ses rituels, une Asastrù ou adepte d'une autre religion païenne faisant leurs retours sur le territoire français, sera-t-elle évaluée sur sa piété de la même façon qu'une bonne chrétienne allant à l'église tous les dimanches et connaissant son chapelet ? S'il y a une athée, sera-t-elle éliminée d'office à cause de son impiété ? (Je vous rappelle que votre concours est public, non privé)

Ce premier critère pose déjà beaucoup de questions sur la pertinence d'une telle fête au sein de la Vème république.

- La modestie : celui-là ne pose pas de problème pour la laïcité. Il peut en revanche, avoir un impact sur l'image que les jeunes filles ont d'elles-mêmes (encore une fois on parle d'adolescentes, d'un âge où casser une jeune femme est plus simple que la relever, une période de la vie où pour survivre à des examens écrits ou oraux ainsi qu'a des concours, il faut justement mieux savoir se mettre en valeur que de baisser les yeux pendant que l'examinateur vous descend et c'est encore un apprentissage à faire à cet âge-là). Valoriser la modestie, c'est rappeler aux jeunes filles de ne pas demander plus qu'elles ont ; qu'il vaut mieux pour elles qu'elles ne soient pas "trop intelligentes", ni "trop vives d'esprits" pour ne pas faire de l'ombre aux hommes. Qu'elles doivent rester "à leurs places" de femme : se taire, baisser les yeux, ne pas se mettre en valeur, ne pas chercher à avoir plus d'ambition que de tenir un foyer. Mettre ce genre de qualité à l'honneur d'un concourt qui implique des adolescentes préparant des examens, n'est pas vraiment l'idéal pour préparer un rendu oral d'exposer ou de rapport de stage.

- La vertu : Concept que je n'ai jamais compris, je ne peux donc pas le critiquer autrement que par "c'est quoi et ça sert à quoi ?" Je crois qu'on est clairement dans une vision chrétienne des femmes ; qu'on est censée toutes connaitre cette qualité pour la mettre en application même si l'on n'est pas croyante. Parce que "ne pas être vertueuse" c'est mal.

- La virginité : Critère le plus polémique qui de la même manière que la modestie, vise à maintenir les jeunes filles dans un état de disponibilité pour "monsieur" son futur mari, réduisant sa valeur à ce qu'elle fait ou pas de son corps.

Selon Bertrand Tridoux l'organisateur, il n'y aura pas de test médical pour vérifier la virginité : Heureusement, car un hymen peut se déchirer avant le premier rapport : sa seule réelle utilité se rapporte à la vie intra-utérine pour éviter que le liquide amniotique ne s'insinue dans bébé, il est quelquefois déchiré au moment de la poussée à la naissance ou plus tard dans l'enfance lors d'activités sportives diverses.


Mais l'organisateur a donc une autre idée pour récompenser la virginité d'une jeune fille : se baser sur la réputation et les rumeurs !

Cette méthode d'évaluation sur l'écoute des rumeurs et de la réputation peut avoir comme conséquence :

Le slut-shamming et le harcèlement scolaire (qui je le rappelle peut mener au suicide). Au lieu de voir les adultes les protéger de ces humiliations, là au contraire en plus du harcèlement habituel entre ados, une humiliation publique devant des adultes d'un âge plus ou moins mûr.

* Une petite pensée pour ces jeunes filles formées "trop vite", par rapport à la moyenne, qui en portant les même vêtements que des filles filiformes paraissent plus lolitas, de part le développement de leurs formes en "avance" ; qui subissent certaines rumeurs venant soit de jeunes hommes frustrés de ne pas les posséder, soit des jeunes femmes dont la jalousie est attisée par certaines formes de concurrence.

* Une petite pensée, pour ces jeunes filles qui diront "non" et dont le potentiel partenaire qui aura été froissé dans son orgueil à cause d'un refus, se vengera en la diffament et en faisant courir la rumeur qu'il la eu quand même.

* Une autre pensée, pour celle qui aura découvert sa vie sexuelle et qui se fera injurier de "fille impure", voir de salope pour s'être montrée aussi curieuse que les garçons de son âge en matière de sexualité.

* Enfin, une pensée à celle qui aura eu sa première expérience par le viol, et qui là aussi devra subir la honte de ne pas être pure.



Rappel : Pour ceux qui ont oublié ce que vous faisiez aux femmes "impure" lorsque des hommes comme vous étaient au pouvoir.
Rappel : Pour ceux qui ont oublié ce que vous faisiez aux femmes "impure" lorsque des hommes comme vous étaient au pouvoir.


Pour conclure, on voit là encore une démonstration de ce qui est reproché à un bon nombre de croyants, de gardiens des "bonnes traditions françaises" et de leurs rapports aux femmes. Ils ont tendance à évaluer ce qu'est la féminité à partir de critères établis par des hommes pour des hommes avec une certaine fragilité dans leurs orgueils, sans se soucier de la réalité "d'être une femme", sans se soucier de "qui nous sommes" réellement. Ils font des programmes et des discours, selon lesquels leurs visions de la féminité décidées entre hommes et imposées aux femmes devraient être la bonne. Sans prendre en considération qu'une femme est un être aussi humain qu'eux, que nous avons la même capacité de réfléchir et de savoir ce qui nous sommes sans qu'ils nous l'imposent. Ils ne prennent pas en considération l'état d'esprit des jeunes femmes vis-à-vis d'elles-mêmes (en particulier durant l'adolescence qui est une période difficile de la vie) et ils montrent encore une fois qu'ils sont plus rebutés par des relations de personnes de même âge CONSENTIES que par des humiliations ou des actes incitants à humilier.







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